HISTOIRE ET PATRIMOINE SEYNOIS

ANTARES
UN TELESCOPE AU FOND DE LA MEDITERRANEE

L'expérience de physique des particules Antarès a entrepris d'immerger au large des côtes provençales, par 2400 mètres de fond, un télescope d'un genre entièrement nouveau.

Son objectif : détecter les neutrinos de haute énergie, qui sont des particules précieuses pour la compréhension de l'Univers. Ils sont produits, par exemple, au cœur des pulsars et des restes de supernovae, ce qui en fait de véritables messagers cosmiques qui nous en apprendront beaucoup sur ces objets célestes mystérieux.

Les neutrinos aideront également à résoudre une des énigmes les plus complexes de l'astrophysique, celle de la masse manquante de l'Univers. L'expérience Antarès est le fruit d'une collaboration entre plusieurs laboratoires de recherche européens.

Le neutrino, messager des confins de l'Univers :

Notre planète est sans cesse bombardée par un flux de particules infinitésimales venues de l'espace, les rayons cosmiques. Si la lumière des étoiles est aisément captée par les miroirs des télescopes, des rayons beaucoup plus énergétiques échappent aux appareils des astrophysiciens. C'est le cas des neutrinos de haute énergie, pratiquement insaisissables, que recherche à détecter Antarès.

Pourquoi traquer ces particules capables de traverser la terre sans même être freinées ou arrêtées ? Tout d'abord, ces neutrinos s'échappent facilement de sources en partie méconnues : pulsars, restes de supernovae, trous noirs ou quasars, véritables accélérateurs cosmiques auprès desquels on trouve les champs magnétiques et gravitationnels les plus intenses.
Antarès permettra de mieux connaître ces objets célestes intrigants en mesurant la direction et l'énergie des neutrinos cosmiques.

Ce détecteur contribuera aussi à résoudre le mystère de la masse manquante de l'Univers. Cette matière noire, dont on soupçonne l'existence depuis 70 ans sans jamais l'avoir observée directement, aurait été produite sous forme de particules appelées Wimps lors du Big Bang, il y a 14 milliards d'années. Représentant 90% de la masse totale de l'Univers, les Wimps se seraient accumulés, entre autres au centre des étoiles et des planètes et produiraient des neutrinos. La détection par Antarès de signaux en provenance du centre de la terre constituerait alors une preuve éclatante de l'existence de la matière noire.

Enfin Antarès apportera des éléments de réponse à la question, toujours en débat, de la masse des neutrinos.

Avec Antarès, c'est une nouvelle fenêtre d'observation de l'Univers qui va être ouverte, indispensable à la progression des connaissances dans un domaine qui mobilise des milliers de chercheurs à travers le monde.

La délicate détection du neutrino :

Le parcours des neutrinos Comment observer une particule aussi furtive que le neutrino, qui traverse le plus souvent notre planète sans même être affectée ? Un seul moyen : utiliser un énorme détecteur placé dans un milieu naturel, comme la Méditerranée, qui offre à volonté une eau très transparente… et gratuite !

Parfois un neutrino percute un atome de matière non loin du détecteur. Cette collision entraîne sa conversion en une autre particule appelée muon : celle-ci porte une charge électrique et provoque dans l'eau de mer un sillage de lumière bleue, le rayonnement Tcherenkov.

C'est cette lumière ténue que va détecter Antarès au moyen de capteurs très sensibles appelés photomultiplicateurs. Chacun d'eux est capable d'amplifier le signal électrique causé par un seul photon

Tapis dans les abysses, 900 yeux tournés vers le cosmos Les yeux de la Mediterranee

Les photomultiplicateurs d'Antarès seront immergés par 2400 mètres de fond, ce qui les protégera des rayons cosmiques qui nous bombardent constamment, moins intéressants pour l'astrophysique. Mais ils devront alors résister à la pression qui règne au fond : 250 fois la pression atmosphérique ! Pour cela, le détecteur va utiliser des appareils appelés modules optiques.
Ce sont des sphères de 43 centimètres de diamètre, fabriquées dans un verre de deux centimètres d'épaisseur pour supporter la pression ambiante, qui. contiennent les photo- multiplicateurs.

Abrités par une épaisse chape d'eau, 900 modules optiques, fixés à 12 lignes réparties dans dix millions de mètres cubes d'eau guetteront les éclairs fugaces des neutrinos cosmiques.

Tous ces signaux seront numérisés sur place et transiteront par une boîte de jonction.
De là, ils seront transmis à la station de la Seyne sur Mer par les fibres optiques d'un câble sous-marin, pour y être analysés.

De nombreuses opérations en mer

mise a l'eau Depuis 1996, les scientifiques de plusieurs laboratoires européens se sont engagés dans l'aventure d'Antarès pour prouver la faisabilité du détecteur.
Les physiciens et les ingénieurs du projet ont embarqué sur des navires, afin de perfectionner leurs capteurs et les méthodes de déploiement en mer.

Au début de l'année 2000, une ligne de 350 mètres et supportant 32 sphères en verre dont six équipées de capteurs divers et huit de photomultiplicateurs, a été immergée pendant plusieurs mois au large de Marseille. Cette opération a prouvé la validité d'Antares en détectant des rayons cosmiques.

En 2001, le site Antarès situé à 10 miles au sud de l'île de Porquerolles a fait l'objet d'une reconnaissance détaillée avec le sous-marin Cyana de l'Ifremer.
Le câble a ensuite été posé entre le point choisi pour l'installation du détecteur et la station terre de l'Institut Michel Pacha.

Fin 2002, la boîte de jonction a été raccordée à l'extrémité du câble et la première ligne prototype a été déployée à proximité.

Au début de l'année 2003, une ligne instrumentation, destinée à mesurer en temps réel les paramètres d'environnement du site a aussi été déployée à proximité.
Le sous-marin Nautile de l'Ifremer a ensuite connecté ces deux lignes à la boîte de jonction au moyens de rallonges électriques et optiques déroulées sur le fond. Ces lignes sont depuis opérées en continu à partir de l'institut Michel Pacha.

Une collaboration internationale :

Fortement ancrée en Provence Alpes Côte d'Azur, Antares est une collaboration entre de nombreux laboratoires européens qui ont été attirés par la qualité des infrastructures scientifiques et techniques de la région. Plus d'une centaine de physiciens et d'ingénieurs sont concernés par l'expérience, en France, le CNPS/IN2P3, le CEA, l'Ifremer, l'INSUE et en Europe (Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume Uni, Russie).


Pierre Valdy
Les Technologies de la mer.