Les armoiries de la ville ASSOCIATION POUR L'HISTOIRE ET LE PATRIMOINE SEYNOIS


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UN ENTRETIEN AVEC M. MARIUS AUTRAN

" LES ECOLES DE MON ENFANCE "

L’entretien a été sollicité par Marie-Claude ARGIOLAS,

et le document vidéo réalisé par René REVERDITO.

Avec la participation des élèves du collège Paul ELUARD

de LA SEYNE SUR MER.

" L’ asile ", avec ses deux classes, avait de gros effectifs : 184 élèves en 1912, avec une classe de 73 élèves, et une de 111 élèves ! La directrice, Mme Rose Azibert réclamait bien-sûr une troisième classe...

C’était en fait une garderie plutôt qu’une école. On jouait dans la cour poussiéreuse, entassé... Moi, je restais tranquille dans un coin. Je n’y suis resté que quelques mois...

En effet, mes parents sont partis à l’époque à FERRYVILLE, en Tunisie, comme beaucoup de gens de l’Arsenal. Là bas, c’était une école maternelle. Et les pays colonisés étaient à l’époque mieux équipés que la métropole. Nous étions une vingtaine d’enfants, mais que des européens, pas d’indigènes. Les activités étaient plus variées, et les locaux étaient tout neufs, comme les habitations pour accueillir ces centaines de Seynois et de Toulonnais. Mais j’ai eu le paludisme, et je suis donc revenu à La Seyne, chez mes grands-parents qui habitaient au Pas du loup. Et je suis allé alors à l’école des Sablettes, construite sur l’isthme même.

"  Imaginons la mer se brisant jour après jour pendant des siècles, de Nord et de Sud, les vagues se rencontrant au même lieu, apportant sable, dépôts divers, les entassant, un banc, une plage, les détruisant, les refaisant sans cesse, selon flux et reflux, lais et relais, et reliant l’île et le continent. L’isthme des Sablettes est formé. "

( Texte de Pierre CAMINADE)

Du reste, le terrain n’appartenait pas à la commune, et on a failli démolir l’école qui était presque terminée ! Manifestations, protestations des parents, etc... ont permis finalement de la conserver. J’étais ici aussi dans une classe enfantine, et j’y suis resté deux ans.

"  Voyez une école construite sur l’isthme, et Marius Autran écolier alors. Cette école parachève la poétique géopolitique du lieu nouveau. Lorsqu’une largade menace d’inonder l’école, les pêcheurs italiens et provençaux rassemblent et conduisent des charrettes pour mettre à l’abri les enfants. Par temps calme, le plus souvent, tout près de l’école, sur une bande de 200 m de long et plus de 20 m de large, la mer est peuplée de praires, de moules rouges, de clavisses. Les gosses sortant de l’école les cueillent et les ramènent triomphalement à la maison. Des maisons de pêcheurs dont celle du grand-père de Marius qui, a 8 ans, commence sur la Joséphine sa fréquentation de la mer et des hommes de Saint-Elme, des Sablettes, de Mar Vivo. "

Questions des élèves du collège Paul ELUARD :

  • Combien y avait-il d’écoles à La SEYNE ?

Deux écoles enfantines (Jean Jaurès et les Sablettes depuis 1902), l’école François-Durand en 1910. Il y avait bien-sûr l’école Martini, la plus ancienne, et l’école Clément Daniel pour les filles. Car à l’époque, pas de mixité... Il y avait aussi des écoles privées : Sainte Thérèse, l’externat Saint Joseph, et les Maristes depuis 1849. Donc, 5 écoles publiques et 3 privées. François-Durand porte le nom d’un adjoint de la ville qui a fait beaucoup pour la population lors de l’épidémie de choléra de 1865. On l’appelait avant l’école Pissin, du nom des anciens propriétaires du terrain.

Celle des Sablettes seulement, classe enfantine au début puis primaire. Elle desservait les quartiers de Saint Elme, Tamaris, Mar Vivo, et le Pas du loup. Je faisais huit kilomètres par jour pour m’y rendre. Des garçons et des filles y étaient accueillis pour avoir des effectifs suffisants. Mais Martini était une école de garçons, et Clément Daniel pour les filles. Jean Jaurès était probablement mixte car les enfants étaient très petits.

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Il y en avait, mais pas de repas ! On servait simplement une soupe dans une gamelle en fer, et pour l’eau le quart en fer blanc. Nous étions autorisés l’hiver à faire chauffer la gamelle que nous apportions de chez nous sur le poêle. Il n’y a eu des repas dans les écoles qu’ après la seconde guerre mondiale.

  Aviez-vous des contacts avec les enfants qui habitaient les belles maisons de Tamaris ?

Il y en avait très peu. Dans mon école, on trouvait surtout des enfants de pêcheurs, de paysans, de commerçants. Dans ces maisons vivaient surtout des personnes assez âgées, cossues. Quand il y avait des enfants, ils allaient aux Maristes et pas à l’école des Sablettes.

Parliez-vous le Provençal ?

Oui, car mes parents et mes grands parents s’exprimaient surtout en provençal. A l’école, les instituteurs parlaient français. On utilisaient beaucoup d’expressions provençales. C’était épisodique. Mais avec mes grands parents je ne parlais que provençal... Je dis souvent que c’était ma première langue maternelle...

 

" RETOUR EN TUNISIE EN 1918 "

Cette fois, c’est l’école primaire, au cours moyen, chez M. Faurel, un instituteur très sévère, dans une ambiance presque militaire. Le matin, alignés, c’était l’inspection des mains, dessus, dessous, pour voir si elles étaient propres. Puis les souliers, qui devaient être bien cirés, et enfin les cheveux courts. Si on n’était pas bien comme il fallait, il nous renvoyait chez nous. C’était un instituteur d’élite, qui avait perdu une jambe à la guerre. On était 28 élèves environ, mais seulement 2 indigènes, 2 arabes. Et mon père m’avait expliqué que c’était parce que les petits arabes n’avaient pas de souliers. Ils étaient pieds nus même l’hiver. Et il n’y avait pas d’école où on enseignait l’arabe... C’était la colonisation intégrale, avec que des noms français pour les noms de rues. Mon père disait : on est dans un pays conquis, et on a tous les droits. On barbotait les olives dans la campagne, on chassait avec des fusils, alors que les arabes ça leur était interdit. Et il disait que ce n’était pas juste, et qu’un jour ça se retournerait contre nous... Et il n’avait pas tort ! Et quand on a quitté la Tunisie, ça s’agitait déjà.

Dans les années 20-21, ma mère languissait de ses parents, mais mon père ne voulait pas partir car il se trouvait bien. Finalement, on est revenu à La Seyne. Mes parents avaient du mal à trouver un logement, et je suis retourné chez mes grands-parents, et donc à l’école des Sablettes. Désormais, en classe de cours moyen, chez Mme Susini. J’y suis resté un an, puis je suis allé à Martini, dans la classe de préparation au certificat d’études que dirigeait M.Ailleaud, un maître inflexible, terriblement sévère.

 

L’ECOLE MARTINI

 

Jusqu’ici, je n’avais fréquenté que de petites écoles. Aussi, dans cette matinée du 1er Octobre 1921, quand je pénétrai dans la grande cour grouillante d’enfants turbulents, courant dans tous les sens, bousculant les uns, insultant les autres, je me sentis mal à l’aise. N’ayant pas encore de petits camarades, je m’adossai au tronc de l’orme centenaire... Tout apoltroni, je serrais entre mes jambes mon cartable tout neuf qui renfermait un beau plumier verni à incrustations de nacre, et j'attendis patiemment.

J’étais loin de penser dans ces minutes palpitantes que je passerai plus de cinquante ans de ma vie entre ces murs déjà vétustes, dans cette atmosphère d’agitation perpétuelle qui ne convenait pas du tout à mon tempérament. "

 

C’était une école primaire supérieure qui durait 3 ans pour passer le brevet d’enseignement primaire supérieur. A la fin de la troisième année, on avait le choix entre les concours des petites administrations. Les dirigeants de la Troisième République l’avaient prévu : petits emplois, mais pas plus haut, dans la logique des paroles de M. Thiers : " lire, écrire, compter, mais pas plus... ". Et autre phrase : " un peuple instruit est un peuple ingouvernable... "

J’y suis resté 6 ans, et j’ai été reçu au concours de l’Ecole Normale en 1928. Enseignait à Martini un quatuor resté célèbre : M. Azibert pour l’anglais et l’histoire-géographie, M.Romanet pour le français et l’eps, M. Gueirard pour les mathématiques, et la bio-physique-chimie par M. Lehoux. Ainsi en 1928, sur 17 admis à l’Ecole Normale il y avait 7 seynois !

C’était désormais Draguignan pour trois ans... Une anecdote : le secret du bon pédagogue, c’est de savoir se faire écouter. Il faut être un peu comédien, se faire comprendre de façon vivante. On apprenait beaucoup à l’école d’application. Ainsi mon premier cours fut un cours d’histoire ! ! Les élèves m’ont écouté... Et le directeur avait écrit dans son rapport : " j’ai l’impression que M. Autran a déjà exercé ce métier quelque part ... "

" Pédagogue, conteur, comédien, vous étiez tout à la fois. Pour les générations d’élèves que vous avez aidés à devenir adultes MERCI M. AUTRAN ! ! ! "

( La vidéo de cet entretien est à la disposition des membres de l’association).

 

 

 

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