exposé de Jacques GIRAULT, lors du colloque de l'association pour
l'histoire et le patrimoine seynois, 4 novembre 2000
A La Seyne, commune la plus ouvrière du Var, l'emploi ouvrier
dépend de l'Arsenal maritime de Toulon et des chantiers navals. Ces deux
activités sont entourées de sous-traitants qui retiennent d'autres
contingents ouvriers. Point commun, toutes ces activités restent
suspendues pour l'essentiel aux commandes de l'État. Le patronat
diffère naturellement, plus anonyme pour l'Arsenal, mieux identifiable
pour les Forges et chantiers de la Méditerranée.
Ces ouvriers se côtoient dans l'espace de l'usine, terrain surtout de
l'activité syndicale. Ils habitent aussi la commune et là peut se
dégager l'action plus politique. En ville même, les ouvriers
perdent des positions alors qu'ils en gagnent à la
périphérie où ils représentent la moitié de
la population active masculine dans les années 1930.
Parmi eux, se dégagent des militants de diverses nature, depuis le simple
collecteur de cotisations jusqu'au dirigeant syndical, comme Albert Coste ou
Louis Puccini ou l'adjoint au maire, souvent d'origine ouvrière, depuis
Albert Lamarque jusqu'à Maurice Paul en passant par Léon Mary ou
Philippe Giovannini. C'est le but du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français d'établir leurs itinéraires, en associant le plus souvent
données des archives, et témoignages des militants ou de leurs
familles.
;La présence étrangère, tout particulièrement en
milieu ouvrier, culmine en 1921 où près d'un recensé sur
quatre est étranger. Dans la population ouvrière de la ville, les
femmes comptent peu à la différence des étrangers ou des
naturalisés. Au centre ville, les ouvriers français dominent, mais
leur pourcentage baisse ; mieux répartis dans les quartiers proches, les ouvriers
étrangers s'accroissent pour diminuer ensuite. Des quartiers comme les
Mouissèques et Saint-Antoine, sont avant tout ouvriers et
étrangers.
Types d'employeurs, types ouvriers
1) La majorité des ouvriers seynois travaillent aux Forges et Chantiers
de la Méditerranée ; leur proportion ne cesse de baisser (alors que plus de trois ouvriers seynois
sur quatre y travaillent en 1911, il n'en reste qu'un peu plus d'un sur deux en
1931). Les .Français, amplement majoritaires, doivent compter avec les
ouvriers étrangers en nombre croissant. Mais à partir des
années 1930, ces derniers reculent du fait des naturalisations et des
congédiements d'ouvriers étrangers engagés sur contrats
précaires, premières victimes des suppressions d'emplois. Cette
présence étrangère, facteur d'expansion, devient la victime
désignée quand la récession s'annonce, main-d'œuvre
d'autant plus malléable qu'elle garde le silence par obligation.
Les ouvriers habitant La Seyne ne suffisent plus à couvrir les besoins de
l'entreprise et commencent à apparaître les résidents de
Six-Fours surtout, d'Ollioules un peu, de Toulon dans une proportion variable.
Les chantiers règlent la vie de la cité. Devant les menaces sur
l'emploi, des travailleurs préfèrent chercher des
débouchés vers l'Arsenal de Toulon même s'il faut gagner
moins. Le mouvement s'accentue à la fin des années 1920 et dans
les années 1930. Le cheminement inverse demeure exceptionnel.
;La stabilité d'ensemble de la main-d'œuvre ne doit pas faire oublier des
fluctuations qui attire des travailleurs venus d'autres régions, ainsi
Léon Mary, natif de la Loire inférieure, après son service
militaire dans la Marine nationale à Lorient, devient ajusteur à
l'usine des torpilles de Saint-Tropez. Il entra comme ouvrier serrurier aux
Forges et chantiers de la Méditerranée en 1932. De même des
ouvriers seynois Français ou étrangers quittent temporairement la
région pour une embauche marseillaise ou plus lointaine, Paris souvent.
;Ces fluctuations ne doivent pas masquer l'essentiel : l'ouvrier seynois passe souvent sa vie laborieuse dans une seule entreprise ; mais les militants peuvent connaître d'autres embauches, en raison de la
répression. Les ripostes patronales visent moins les étrangers
puisque seuls les Français acceptent de prendre la direction des
organisations, ainsi le Corse Jacques Casanova, ouvrier riveur aux FCM,
secrétaire du syndicat CGTU, se trouve révoqué au
début 1935. Secrétaire du comité local des chômeurs,
secrétaire adjoint de la Bourse du Travail, réembauché aux
chantiers sous le Front populaire, il s'engage dans les Brigades internationales
et trouve peu après la mort. Mais, cette présence française
aux postes responsables ne signifie pas absence de militantisme en milieu
ouvrier étranger où la clandestinité devient la
règle.
;2) L'emploi d'ouvriers seynois à l'Arsenal maritime de Toulon quadruple
entre 1911 et 1931 (1 600 ouvriers d'État). Chaque jour, ils se déplacent vers Toulon
par divers moyens : la marche, le bateau à vapeur de la ligne régulière, la
bicyclette, le tramway, l'autobus qui commence avec les premières
voitures de la compagnie Étoile lancée notamment par un ancien
militant syndicaliste de l'Arsenal, Mazan.
;Après avoir régulièrement progressé jusqu'à
la fin de la Première Guerre mondiale (8 000 salariés en 1914, 20 OOO à la fin de la guerre), les effectifs ouvriers de l'Arsenal baissent
dans les années 1920 (6 000 salariés au milieu des années 1920), pour remonter par la
suite (8 000 environ en 1936, avant une nouvelle dilatation à la suite de
l'application de la loi des 40 heures et pour répondre aux besoins de la
préparation au futur conflit). Une nouvelle compression pendant la
Deuxième Guerre mondiale précède une dilatation,
liée à la reconstruction du potentiel.
;Les ouvriers d'État dépendent du statut d'avril 1920, et fait qui
intéresse La Seyne, son principal négociateur fut le dirigeant
syndical d'alors, Albert Lamarque, qui habite La Seyne. L'ouvrier perd sa
dépendance militaire antérieure (mais cette dépendance
demeure dans les mémoires !). Il peut être licencié pour des raisons économiques ou
disciplinaires, mais gagne le droit de grève, un nouveau mode de
rémunération où apparaît la notion de salaire
régional et de retraite. A ses côtés, subsiste l'ouvrier
"temporaire" ou "en régie" embauché pour un
travail exceptionnel.
;Pour l'établissement du salaire, l'élection
régulière d'une commission locale des salaires oppose
syndicalistes "réformistes" CGT et
"révolutionnaires" CGTU. Au début des années
1930, ces derniers l'emportent et ils s'entendent avec les
"réformistes". Dans ces conditions, un Seynois Baptistin Coste
est élu aux côtés de Jean Bartolini. Fils d'un chaudronnier
en fer tour à tour à l'Arsenal et aux chantiers, il travaille
comme ouvrier tôlier dans l'atelier de la Grosse chaudronnerie.
Époux d'une chapelière de la rue Franchipani, elle-même
militante socialiste SFIO, conseiller municipal socialiste SFIO depuis 1925, il
participe à de nombreuses actions communes aux organisations du Front
populaire.
;Parmi les apprentis, recrutés par concours, les enfants des personnels
de la Marine et de l'Arsenal, bénéficiant de points de majoration,
sont plus nombreux. Souvent, les jeunes Seynois préparent le concours
dans les classes techniques de l'École pratique de commerce et
d'industrie Martini, avec ceux qui entrent au centre d'apprentissage des
chantiers.
;En dépit d'un appareil répressif, à l'Arsenal, la vie
syndicale peut se développer à la différence des chantiers
navals de La Seyne où, depuis la grande grève de 1919, toute
velléité syndicale est sanctionnée. La certitude de
pratiquer des salaires plus élevés explique notamment le
raidissement patronal aux Forges et Chantiers de la Méditerranée
et les nombreuses sanctions contre les dirigeants syndicalistes à la fin
de 1938.
;3) D'autres entreprises attirent les travailleurs. Une vingtaine d'ateliers
(ajustage, mécanique, tôlerie, constructions métalliques,
serrurerie, décolletage, forge, chaudronnerie) se répartissent sur
tout le territoire communal. Les effectifs globaux de ce secteur varient de 150
à 200 ouvriers. A ces sous-traitants des chantiers, s'ajoutent
périodiquement les emplois précaires créés par des
entreprises extérieures à la ville ayant soumissionné un
type de travail sur les bateaux en réparation ou en construction. Ces
mouvements d'embauches et de débauchages suivent en général
les propres besoins des chantiers. D'autres entreprises, enfin, retiennent les
ouvriers seynois : l'usine des câbles, les chantiers de constructions navales et
l'entrepôt d'essence du Bois Sacré, les chantiers de
démolition. Sans compter les nombreux artisans en tous genres qui
emploient quelques compagnons, notamment dans le bâtiment.
Les militants ouvriers
;Militer, c'est, pour un ouvrier, agir sur ces terrains
privilégiés avec des tendances à faire coexister plusieurs
militances. Le pire serait d'établir une typologie en opposant
militantisme syndical et militantisme politique. Il nous faut pourtant partir
des terrains pour une action militante. D'où cette séparation
imposée entre l'entreprise et la cité.
;Très tôt dans la région toulonnaise qui regroupe
l'essentiel des forces syndicales se pose la question des liens avec les forces
politiques, pas toujours socialistes, et avec les milieux anarchistes. Des types
de militantisme se dégagent et traversent la vie militante varoise et
seynoise. Soit le militant syndical est attiré par la politique, soit il
fréquente les anarchistes, peu nombreux certes mais influents. Il reste
peu de place pour la diffusion d'un syndicalisme révolutionnaire ou d'un
réformisme social.
L'entreprise
On mesure la combativité ouvrière, fruit du militantisme, par deux
indices, les actions syndicales et les actions de grèves.
La présence syndicale constitue un indice sûr d'une conscience
ouvrière. Dans les années 1910, les syndicats seynois apparaissent
régulièrement représentés. La Bourse du Travail
inaugurée en 1903 se renforce après la réorganisation
syndicale aux chantiers navals qui remplace les syndicats de métiers par
un syndicat unique des ouvriers en constructions navales en 1910.
;Un conflit se développe dans le syndicalisme varois. L'opposition
durable entre les Bourses du Travail de Toulon et de La Seyne traduisent des
conceptions d'actions éloignées. Les rapports avec la politique
amènent la diversité des comportements, débouchant sur un
fort particularisme des militants seynois. Cette situation retarde la naissance
de l'Union départementale des chambres syndicales du Var en 1913.
L'élection du seynois Ernest Sabattini au bureau de l'UD traduit
l'importance du mouvement syndical dans la ville. Sabattini, né dans la
province de Pérouse en Italie, devient ouvrier perceur aux FCM en 1907.
Secrétaire du syndicat, renvoyé de l'entreprise lors d'une
grève en 1910, il occupe la responsabilité de secrétaire
général de la Bourse du Travail. Il organise en 1913 le
congrès de La Seyne où naît l'Union départementale
CGT. Pendant la longue grève de 1919, lors des assemblées
générales, il assure la traduction des discours pour les nombreux
travailleurs italiens. Peu après, il aide des anciens ouvriers des
chantiers à constituer une coopérative de production. Resté
secrétaire de la Bourse, membre de la CGT, il participe à toute la
vie syndicale locale jusqu'au Front populaire.
;Les chantiers navals connaissent au début du siècle de fortes
poussées grévistes :
- La grève de 41 jours, en mars avril 1898, à propos de la
nouvelle caisse patronale de secours, échoue. Le syndicat en sort
affaibli et divisé. Des grévistes sont licenciés dont le
futur secrétaire de la Bourse du Travail de Toulon, Doria. Cet
échec marque pour longtemps la ville et la mémoire
ouvrière.
- L'organisation syndicale renforcée soutient une nouvelle grève
de 37 jours, en octobre novembre 1910 des ouvriers chanfreineurs, riveurs,
tourneurs pour de meilleures rémunérations. Les chantiers sont
bloqués. La direction refuse tout arbitrage. Finalement, de petites
augmentations sont accordées en fonction du mérite. Ces luttes
contribuent au renforcement syndical. Les chantiers, après une longue
atonie, redeviennent le point fort des organisations locales.
;Au début de la Première Guerre mondiale, les responsables
syndicalistes seynois participent à l'effort national ; ainsi aux chantiers navals, ils acceptent l'amputation des salaires pour aider
les familles de mobilisés. Avec la dégradation des conditions de
vie, la cherté des prix, les premières actions revendicatives
commencent aussi bien à l'Arsenal maritime qu'aux chantiers. Dans
l'immédiat après-guerre, la syndicalisation se développe
avec des cadres plus jeunes et plus impatients. Le Premier mai 1919, comme dans
la plupart des centres ouvriers du pays, les manifestations atteignent un niveau
inédit. Ainsi aux chantiers navals, 143 personnes ne chôment pas,
dont les ingénieurs. Les travailleurs chinois sont consignés et le
marché quotidien "est complètement
déserté" par les revendeurs.
;Dans le syndicat de l'Arsenal, des affrontements internes se produisent et lors
d'un meeting de soutien aux grévistes des chantiers navals, à
Toulon, le dirigeant syndical seynois Orsini s'exclame, selon le rapport de
police,
-
-
"Il faut être syndicaliste en même temps que
révolutionnaire. On nous appelle Bolchevistes ! Oui, je suis Bolcheviste ! Si j'avais le temps, j'expliquerais ce que c'est qu'être
bolcheviste".
Le coïncidence avec des mouvements dans la Marine fait craindre aux
autorités une contagion révolutionnaire. L'appareil
répressif se renforce. La grève des ouvriers des chantiers navals
se déroule du 10 juin au 28 juillet, avec une période de lock-out
du 30 juin au 16 juillet. Le syndicat a eu, pendant les cinq années de
guerre, une action coopérante avec les pouvoirs publics et la direction.
Au sortir de la guerre, il prend la tête du mouvement revendicatif pour
obtenir des augmentations de salaires, mouvement d'autant plus fort que pendant
la guerre, des ouvriers d'autres régions ont été
affectés spéciaux dans l'entreprise. Mais le mouvement
échoue pour diverses raisons tenant autant aux orientations du
syndicalisme, qu'à la répression patronale et gouvernementale. En
dépit du soutien de la ville, symbolisé par le décès
du maire Baptistin Paul, en délégation à Paris, la
défaite ouvrière rend impossible toute action revendicative aux
chantiers jusqu'à la fin des années 1930.
;Très tôt, le terrain mutualiste et coopératif, en relations
avec le syndicalisme, semble privilégié. Domine alors
l'organisation, sous la surveillance d'un patronat de choc, de la protection
sociale, symbolisée par la caisse de secours. Ainsi Léon Mary,
devenu secrétaire du syndicat CGT, représente les ouvriers
à la Caisse de secours des FCM.
L'action citoyenne
;Agir dans la cité revient aux Français et parmi eux
essentiellement aux homes. Mais on peut gagner l'action citoyenne par
l'acquisition de la nationalité française ou du droit de vote
comme pour les femmes après la deuxième guerre mondiale.
;Dans les années 1930, plus de la moitié des électeurs
occupent un emploi industriel à La Seyne avec 60 % d'ouvriers parmi les natifs de l'étranger. Globalement 40 % des électeurs sont natifs de la commune et parmi eux, une
majorité d'ouvriers qui sont majoritaires aussi parmi les natifs de
Bouches-du-Rhône.
;Cet électorat plus ouvrier, à forte origine
étrangère sert de terrain à la précoce implantation
socialiste et l'ample succès, en 1936 du Parti communiste et du Front
populaire, préparant les succès communistes de
l'après-guerre.
;Tout se passe comme si le monde ouvrier seynois tendait à se replier sur
lui-même, comme en témoignent les mariages. Son encadrement vient
pour une bonne part des apports extérieurs. Il résulte de cette
endogamie des difficultés pour s'assimiler, pour entretenir des rapports
avec l'autre. La conséquence pour les autochtones réside dans les
faibles perspectives pour obtenir une réelle promotion sur place.
L'emploi industriel (chantiers d'abord, Arsenal ensuite) constitue le
débouché annoncé pour le jeune fils d'ouvrier après
l'École pratique d'industrie Martini.
;Dans les chantiers navals, comme dans la ville, du niveau des salaires et de
l'emploi découlent des indices de bonne santé. Les commandes de
l'État, pour la Marine nationale, servent de régulateur. Quand les
commandes arrivent, toute la ville s'en ressent. Une grande solidarité
fait vivre au même rythme que les chantiers, poumons de la cité
industrielle. Et l'intervention de la municipalité se produit. Le symbole
tragique de cette communion se révèle lors du décès
du maire, en délégation à Paris, pendant la longue
grève de 1919. Au début des années 1960, le maire prend la
tête des manifestations des ouvriers des chantiers. S'ajoute alors un
rôle actif du clergé catholique et l'évêque participe
à la protestation. Dans le même temps, des expériences de
travail en commun de militants catholiques aux côtés des
communistes aussi bien dans le syndicalisme que dans la gestion municipale
portent leurs fruits. Toutefois il faut attendre 1995 pour voir un ancien
ouvrier des chantiers, Maurice Paul, parvenir au poste de maire !
;Au lendemain de la guerre, les électeurs seynois mettent en place une
municipalité de gauche à domination socialiste SFIO où le
premier adjoint, l'ancien syndicaliste de l'Arsenal, Albert Lamarque accomplit
l'essentiel du travail. Parmi les conseils municipaux qui se succèdent
jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, la progression
ouvrière se produit, mais essentiellement composée de
salariés de l'Arsenal, ainsi Pierre Pauto. Originaire des Alpes
maritimes, il travaille à la Pyrotechnie. Syndicaliste et socialiste
SFIO, conseiller municipal depuis 1935, il part combattre aux côtés
des Républicains espagnols.
;Aux diverses élections, la gauche renforce son influence, le Parti
socialiste SFIO certes, mais surtout le communisme jusqu'à la victoire
aux élections législatives partielles de 1935 de l'ouvrier de
l'Arsenal Bartolini. Une différence parmi les militants apparaît.
Alors que les ouvriers de l'Arsenal demeurent partisans des socialistes SFIO,
ainsi Jean-Baptiste Coste, les Italiens, même après leur
naturalisation, plus nombreux aux chantiers, constituent le noyau dur du
communisme rendant plus difficile la pénétration en profondeur de
l'idéologie révolutionnaire en milieu ouvrier. Il en reste une
tendance, jugée anarcho-syndicaliste, vivace parmi les travailleurs des
chantiers, souvent notée après 1945. Y échappent pourtant
des militants d'origine italienne aux itinéraires complexes, ainsi Louis
Puccini. Né dans la province de Pise, il vient à La Seyne en 1923
où son père, trésorier de la section socialiste italienne,
occupe divers emplois. Ses parents veulent qu'il accomplisse de bonnes
études et il fréquente l'École primaire supérieure
Martini jusqu'en troisième. Il occupe divers emplois avant d'entrer aux
Chantiers en 1942. Il adhère alors au Parti communiste, devient l'un des
dirigeants du syndicat et participe à la direction des actions
ouvrières de l'entreprise jusqu'à la Libération.
;L'électorat communiste qui se dilate rassemble, autour des ouvriers,
tous ceux qui veulent se distinguer des socialistes, anciens opposants à
Lamarque lors des débats syndicalistes de l'Arsenal. Par refus de la
domination socialiste, se forme le noyau dur de l'impact communiste.
;La municipalité à direction socialiste permet l'enracinement en
milieu populaire mais n'assure pas une parfaite audience politique au Parti
socialiste SFIO. Les rapports avec les alliés non-communistes ne
demeurent pas sans nuage. Si aux élections municipales les communistes
présentent des listes plus ouvrières, souvent les travailleurs des
chantiers manquent. Il faut attendre l'après-guerre pour les voir
apparaître en plus grand nombre, ainsi Maurice Paul, fils d'un ouvrier
à l'Arsenal d'origines bretonnes. Il avait fréquenté les
groupes de jeunesse catholique de la ville tout en étant
élève de l'école laïque. Il entre aux FCM comme
apprenti menuisier ébéniste. Membre du secrétariat du
syndicat en 1954, administrateur de la caisse de Sécurité sociale,
il participe aux négociations avec le patronat lors d'une grève
qui permet d'obtenir des augmentations de salaires substantielles.
x
En conclusion de cette présentation des principaux facteurs qui
conditionnent l'activité des militants ouvriers de La Seyne, il faudrait
insister
-
- sur le rôle de la présence étrangère,
-
- sur les conséquences de la dépendance de l'activité
industrielle par rapport à l'État, qui donne à toute lutte
ouvrière un sens politique,
-
- sur les actions de la protection sociale, de la mutualité,
-
- sur la dureté des employeurs, depuis le patronat répressif des
chantiers jusqu'à la tradition militaire qui règne sur l'arsenal,
-
- sur la force des traditions héritées du refus de l'État
qui confine à l'anarchisme,
-
- sur le rôle des non-natifs de La Seyne dans le monde ouvrier,
héritiers souvent d'autres traditions,
-
- sur l'inscription du militantisme seynois dans un cadre plus large, de
l'espace toulonnais certes, mais aussi de la façade
méditerranéenne.
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