ASSOCIATION POUR L'HISTOIRE ET LE PATRIMOINE SEYNOIS
H P S Echo des adherents
Andrée Bensoussan, mai 2003
Mémoire et histoire de la guerre d’Algérie :
d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
(Ligue des droits de l'homme, Toulon)
Le 17 mai au Foyer de la jeunesse à Toulon, la LDH a organisé
une journée de rencontre
sur le thème « D'une rive à l'autre de la méditerranée »,
consacrée à la mémoire et à l'histoire de la guerre d'Algérie
et aux effets de cette histoire dans la vie quotidienne aujourd’hui.
Plusieurs témoins ont raconté leur vécu.
Rabia B. un « harki »
s’est engagé à 17 ans dans l'armée française pour nourrir ses
parents.
Bernard G un
appelé du contingent, a participé à des « corvées de bois » et a
exécuté un Algérien.
Jackine M. pied-noire, veut connaître la
vérité sur les responsables de la fusillade de la rue d'Isly
pendant laquelle sa mère a été tuée.
Paule B. fille de colon,
pied-noire pour l’Algérie française, a perdu son mari au moment
des accords d'Evian, tué par le FLN.
Dix ans après, revenue en
France, elle a voulu comprendre les causes de ce drame en
s'intéressant à l'histoire.
Jean S. étudiant progressiste
a milité à Alger pour une Algérie indépendante et plurielle
où pieds-noirs et Algériens auraient pu cohabiter,
(aventure qu'il raconte dans un livre intitulé
A contre-courant, éd.Balaouane).
AiméT. a souffert de l'image
caricaturale des pieds-noirs vus par les Français à leur arrivée
en métropole. Il manquait le témoignage, encore trop difficile,
d’un ancien combattant du FLN venu vivre et travailler en France.
Après le récit poignant de ces témoins, l’historien Jean Jacques
Jordi a montré comment, maintenant que les mémoires se
verbalisent, il est nécessaire et peut-être possible de
construire une histoire commune à partir de ces mémoires
contraires , confrontées.
Jean Jacques Jordi a donné deux
exemples.
Pour les descendants pieds-noirs des colons,
la Mitidja était en friche ; mise en valeur par leurs ancêtres,
cette terre leur appartenait. Ils doivent savoir et reconnaître
qu'avant leur arrivée cette même terre était pour une bonne part
fertile et occupée par des familles algériennes, les
années de conquête l’ont détruite.
Il faut en finir avec
les souvenirs mythifiés d'une société où les pieds-noirs et
les algériens vivaient fraternellement. S'ils pouvaient se
dire frères ils ne voulaient pas être beaux-frères :
les mariages mixtes étaient impensables.
Même parmi les
pieds-noirs, il existait une ségrégation sociale stricte :
au sommet de la hiérarchie les Français dits de France puis
ceux du sud de l'Europe. En bas de l'échelle les juifs séfarades,
naturalisés français depuis 1870, devançaient les arabes.
Jean Jacques Jordi a conclu sur l'idée qu'il fallait sortir
d'une histoire instrumentalisée, faisant des uns des victimes,
des autres des coupables.
En rappelant des faits, l'historien peut réconcilier les
mémoires opposées, permettre d'oublier parce que l'on sait
tourner la page et se tourner vers l'avenir.
Cette après-midi
passionnante a fait la démonstration que grâce à la force
du témoignage et à la mise à distance par l'histoire, une écoute
un échange étaient possibles entre des Toulonnais
(et des Seynois) qui ne se rencontrent pas.
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